Alix s’échauffe à l’X

Un témoignage recueilli par Noëlle Clou pour Gael

[Publication : novembre 2009, p.114]

 

 

Les amies de Noëlle Clou n’ont plus peur de rien : ni de la hiérarchie, ni des banquières, ni des machos. Et encore moins des images. Voici le témoignage d’Alix – au nom prédestiné...

 

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Heureusement que j’ai des copines qui pensent à moi. Je traversais une passe épouvantable – le Kyber pakistano-afghan, à côté, c’était le club Med : mon homme parti pour un autre depuis un an (on a beau dire, ça gratte un peu), ma mère de retour du Brésil qui avait l’air plus jeune que moi (malgré les bandages), et le disque dur de mon ordi effacé par un collègue génial. Manquait plus que la grippe A... quand mon chauffage est tombé en panne. Heureusement, oui, qu’il y a des âmes charitables de par le monde, des amies qui veillent au grain. C’était jeudi dernier et Léa m’a téléphoné : « Ton appart’ est sous la neige ? Vient te chauffer chez moi, on se fait une soirée X entre copines, on va se marrer ; y aura Charline, Ivanka et Domi – et pas un seul mec, sauf à l’écran ! »

 

Je me suis donc lavée le bout du nez à l’eau froide avant d’enfiler une grosse doudoune – et des moon-boots vintage d’avant la fonte des calottes. Trente minutes à sillonner la ville en métro pour arriver en nage chez Léa (4e étage, ascenseur bloqué par des gamins) – mais ce n’était encore rien, question température, avec ce qui allait suivre.

 

Les filles m’ont sauté dessus, elles étaient rouges d’excitation : « Pile au bon moment ! On vient de sortir les pizzas du four, déshabille-toi, goûte-moi ce chablis de la mort et va voir dans le bureau, l’ordi est allumé ! »

 

Oui, une enquête Ifop « réalisée du 30 juin au 2 juillet 2009 auprès d’un échantillon de 1016 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus selon la méthode des quotas (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, interviews en ligne par questionnaire auto-administré) », nous avait prévenues : « Le film pornographique est désormais intégré à la vie sexuelle des Français » – et des Belges aussi, probablement. En lisant bien le savant communiqué on apprenait, hum, hum, que ladite enquête avait été commandée par le Groupe Marc Dorcel, grand pourvoyeur d’images X devant l’éternel, premier producteur et distributeur en Europe de titres d’une rare poésie : « Petits culs et sable chaud », « 7 bombes par derrière », et « 100% Lesbian Juice », par exemple.

 

Bon, on s’assied en tailleur, des quarts de pizza chacune sur un bout de carton qui rebique – et Léa glisse la galette dans l’ordi. Ça commence fort dès le menu : faut choisir la langue et une vraie langue s’agite en fond d’écran sur une cliquette toute mouillée ! On se marre comme des baleines parce que la langue, hein, dans ce genre d’histoire, c’est pas vraiment l’essentiel de la bande-son !

 

Il paraît que nous, les filles, sommes normales ; on se mate du porno comme les gars – tranquille, sans chichi, en appréciant plutôt les bons scénarios, les beaux acteurs, les décors chic, la lingerie. On a vu notre premier film seules, juste après 20 ans, on pense que regarder un film X avec son partenaire est une bonne occasion de parler de ce qui nous excite ; d’ailleurs le X sert souvent à pimenter une relation, on essaye de reproduire des scènes ou des positions « ce serait bon pour la libido du couple, ça casse la routine », dit l’Ifop ; une femme sur cinq irait même jusqu’à filmer ses ébats. Certes, 48% des sondées trouvent que ces films ne sont pas réalistes, que les scènes de coït « paraissent éloignées des pratiques sexuelles des Français », 59% les trouvant même « ridicules » et « dégradantes ». Ça laisse quand même pas mal de monde qui prend son pied en rigolant ! Et un pied pas cher car les femmes, comme les hommes, préfèrent dans l’ordre : (1) les sites Internet gratuits, (2) les chaînes payantes du câble, et (3) les DVD (achetés = 18%, empruntés = 22%).

 

Pour le site < www.Chablis.net > le Grand Cru Valmur que nous étions en train de déguster à petites lampées est, je cite « un vin relativement charpenté, quoique ne manquant pas de souplesse ». Eh bien les gaillards à l’écran aussi ! Quelle charpente, quelles poutres joliment sculptées, quelle souplesse en bouche ! Sans parler des filles dont les parents, comme disait Bob Hope à propos d’Anita Ekberg, « auraient mérité le prix Nobel d’architecture » ! Bref, après vingt minutes à se dévisser les yeux, nous avons commencé à chauffer comme des saunas finlandais. Plus besoin de thermostat sur 25, mais une grosse envie de partenaire, là, tout de suite. C’est Domi qui a poussé sur « pause » et proposé d’appeler nos compagnons. On s’est ruées sur nos portables, sauf moi, la célibataire honteuse, mais Yvanka m’a promis d’arranger ça, elle connaissait quelqu’un qui, un type travaillant le métal, charpenté comme un des rugbymen du fameux calendrier, etc. J’ai dit moi je prends janvier, février, mars, avril... tout 2010 et 2011 !

 

Comment se termine l’enquête de l’Ifop ? Par des remarques qui semblent frappées au coin du bon sens : le X ne serait plus réservé aux mâles frustrés et solitaires. Ceux qui en consommeraient le plus auraient la vie sexuelle la plus active. La production pornographique devrait donc viser « un public plus mixte, voire conjugal », avec des images plus « clean » ; « L’enjeu des prochaines années est donc l’émergence d’une pornographie de couple, moins sexiste et plus esthétisée, qui s’adresse aussi bien aux hommes qu’aux femmes. » Amen. On ne s’étonnera pas, ceci dit, de voir un sondage commandé par les industriels du yaourt se conclure par « il semble que le public soit friand de produits hauts de gamme genre actimachin et biotruc ! »

 

Un seul coup de fil a suffi pour rameuter les garçons ; ils étaient tous chez un copain pour jouer à la Wii – un tournoi de tennis virtuel sur grand écran. On leur a proposé quelques doubles-mixtes ici, bien réels, et ça n’a pas traîné ! Yvanka m’a vite présenté son cousin, un grand forgeron barbu, doux, l’œil bleu et la boucle blonde, parfait. J’ai songé à cette demoiselle à la radio, lors d’un débat sur la Flibansérine, la pseudo-« pilule du désir » pour les femmes : « Mais enfin, le Viagra féminin existe déjà : changer de mec ! »

 

Films X ou séries Z, nous sortons du même moule, garçons et filles : selon Pierre Desproges « la femme est composée de nombreux produits chimiques que l’on retrouve également chez l’homme, mais dans des proportions qui forcent le respect ». Il disait aussi : « Pluie en novembre, cache ton membre » – mais là il avait tout faux ! Je me suis endormie dans le canapé d’Alix, blottie dans les bras de mon Vulcain slave ; il pleuvait dehors, nous étions en novembre – et n’avions rien à cacher sous la doudoune...

 

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Les classiques de la DVD-thèque X d’Alix : Autant en emporte le gland, Arlette à Malibu, Blanche Neige et les 7 mains, Ça glisse au pays des merveilles, Le Da Vinci gode, L’Arrière-train sifflera trois fois, La Playmate des singes, Lord of the strings, Out of Patricia, Robinson suce Zoé, Rodéo sur Juliette, Tita nique, Un Gars deux Filles.

 

Le site X féministe du mois : www.dirtydiaries.se

 

Le conseil du docteur : oui, l’orgasme est bon pour la santé ! Il augmente la production d’œstrogènes, rend de bonne humeur, évacue le stress, permet de combattre l’insomnie, favorise la production de l’hormone du sommeil, renforce le système immunitaire, est bon pour le cœur (jouir trois fois par semaine réduit de 50% les risques de maladies cardiovasculaires). À quand l’X remboursé par la C Q ?

 

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(c) Noëlle Clou

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