Je voudrais prendre la parole deux minutes pour vous raconter la dernière soirée de Marco.

 

 

Marco n’a pas disparu à cause de la cigarette, ni à cause de l’alcool, ni à cause des Choco-Prince vanille ou des Pim’s abricot qu’il dévorait toute la journée, mais à cause de Serge Moati. Oui, Serge Moati, qui a eu la très mauvaise idée de diffuser son reportage « La Prise de l’Élysée » il y a une semaine exactement sur France 3 au lendemain des élections, vers 21 heures. Marco a regardé, évidemment, comme 5 millions 352 mille 849 autres téléspectateurs (source Jean-Marc Morandini, Europe 1, 1647 mètres grandes ondes, à éviter tous les jours de 10 heures 30 à midi). Marco s’était donc calé les pieds bien au chaud dans ses charentaises, une clope de tabac belge au bec, les bras encombrés de ses deux chats et de Marie-Rose ici présente, plus quelques télécommandes bizarres, dont celle qui règle l’éclairage, celle qui ouvre les bagnoles dans la rue et celle qui pilote son Mac.

 

La soirée s’annonçait tranquille quand déboula dans l’écran Rachida Dati. Rachida Dati fut la porte-parole de Tsarkozy Premier pendant la campagne. C’est une bombe sexuelle de deuxième génération avec des diplômes plein le décolleté. Et brune, avec ça. Il faut savoir que les brunes ont toujours ému Marco – moi c’était plutôt les blondes d’un mètre 75, genre Uma Thurman, ou les rousses d’un mètre 80 comme Nicole Kidman, mais bon, lui c’était les petites brunes – c’est pratique, ça faisait un sujet de conversation au moins sur lequel on ne s’engueulait pas.

 

[Je vous confie un secret : depuis qu’il est enfant Marco découpe dans Ciné Télé Revue les images de Sophia Loren, de Lio, d’Isabelle Adjani, de Madonna, de Sandra Bullock, de Sharon Stone... (non, Sharon Stone c’est moi)... de  Teri Hatcher, d’Eva Longoria (sans son basketteur français double-mètre) – de Penelope Cruz aussi –, et même de Freya van den Bossche bien qu’elle soit socialiste.]

 

Bref, revenons au salon, il est 21 heures 10 quand surgit donc Rachida Dati, chemisier blanc ouvert et maquillage charbon. Le charbon, entre parenthèses, Marco connaît, je ne vous fais pas de dessin, il a quitté son Châtelet natal sur la pointe des pieds en 1971 pour s’établir rapidement à Uccle, la seule commune avec Lasne et Knokke-le-Zoute où l’on ne se soit jamais chauffé au charbon, passant directement de la bûche de chêne bicentenaire au gaz naturel de Vladimir Poutine. Marco est allergique au charbon mais là, maintenant, il ouvre des yeux comme des briquettes 40/60 devant la porte-parole, l’icone cathodique née d’un père maçon marocain et d’une mère algérienne, quatre frères et sept sœurs, enfance dans une cité de Chalon-sur-Saône, maîtrise en science économique, maîtrise de droit, MBA, 41 ans et 5 mois, merci Wikipedia.

 

Marco est sous le choc et demande à Marie-Rose d’aller chercher une Maes dans le frigo. Dans le frigo de la pompe Shell, d’ailleurs, qui se trouve chaussée de Saint-Job à cinq minutes en bagnole : « Prends ton temps, chérie ! Le reportage n’avance pas, tu ne rates rien ! » Marie-Rose lui fait un bras d’honneur, masquée par les deux chats, et ne bouge pas. C’est le moment que choisit Boris pour téléphoner : « Allô, Marco, t’as vu c’qui passe sur France 3 ? Je prends ma carte à l’UMP tout de suite, moi ! Quel canon, la Rachida ! Cécilia est foutue, elle refait ses valises dans 15 jours pour New York, je lui fiche mon billet ! »

 

Sauf que Serge Moati est un salaud – ou un vrai pro de la télévision, c’est la même chose : il distille la Rachida dans son reportage comme autant de pépites d’or, le moins possible, pour tenir la France et Saint-Job en haleine. En revanche on se tape Jean-Marie La Panne, François Bayrou, le petit Hongrois aux amphétamines et Moraline Royal pendant des plombes ! — Rachida où es-tu ? Reviens ! — Peine perdue...

 

Marco n’a pas regardé le débat qui a suivi le reportage, il a coupé la télé, est monté se coucher. Vers 3 ou 4 heures du matin il s’est relevé en catimini – et a disparu. Il court toujours...

 

Vous voulez le retrouver ? Cherchez la femme !

 

Vive les brunes – Marie-Rose, Joëlle, Pauline, et toutes celles qui sont ici pour lui rendre hommage – et les blondes comme Suzanne, et les rousses – et les garçons aussi... mais pas tous les garçons :

 

Moati salaud, le peuple aura ta peau !

 

 

______

 

Discours prononcé au funérarium de St-Job, place St-Job à Bruxelles, le 14 mai 2007.