Superstitions

 

 

    « Bonjour à tous et bienvenue sur le plateau de « Souriez, vous êtes filmés ! » Merci encore à ceux parmi vous qui nous envoient leurs cassettes vidéos et leurs gags les plus drôles — nous préparons en effet une émission spéciale pour la fin de l’année où elles seront présentées, mais chûuut, n’en disons pas plus et croisons les doigts pour les futurs vainqueurs.

    Croiser les doigts le jour d’Halloween... C’est une superstition, ça, non ?!

    Vous savez d’où vient le côté maléfique du nombre 13 ? C’est à cause de la dernière Cène, le dernier repas du Christ où il y avait 13 personnes à table, Judas compris : 24 heures après ce pique-nique le Christ était crucifié...

    La peur qu’inspire ce nombre à certains fait que de nombreux hôtels n’ont pas d’étage numéro 13 — on passe directement du 12 au 14 — et que plusieurs compagnies aériennes n’ont pas de 13e rangée dans leurs avions... Et tout ça à l’aube du 21e siècle, vous vous rendez compte !

    Moi j’ai résolu le problème : je ne suis pas superstitieux parce que ça porte malheur, tiens !

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    « À part le nombre 13, qu’est-ce qui nous fait encore peur ? Les agents du fisc, d’accord, les personnes qui parlent toutes seules dans la rue en gesticulant — d’accord aussi, mais il se peut que ces gens soient en train de téléphoner, vous savez que pour avoir les mains libres il y en a qui se fixent un micro sur la chemise et un écouteur dans l’oreille, c’est pratique mais on vous prend pour un dingue !

    Il y a les chats noirs aussi, surtout ceux qui viennent de la gauche et qui vous coupent la route en pleine nuit...

    J’ai donc mené ma petite enquête sur les chats. En Égypte il faisait l’objet d’un véritable culte, dans l’Antiquité. Quand le chat de la maison mourrait par exemple, toute la famille prenait le deuil en se rasant le crâne ou les sourcils. On aimait aussi le chat parce qu’il protégeait les récoltes — en chassant rats et souris. Cependant, au fil du temps il se mit aussi à incarner le Diable dans l’imaginaire populaire. Au Moyen Âge, on disait d’eux qu’ils possédaient un cheveu de Satan dans leur queue...

    Tout cela est probablement dû au caractère indépendant de cet animal, et à son regard étrange parfois... Regardez-moi dans les yeux —j’ai dit les yeux !

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    « Pour ce qui est des superstitions, la Lune a enflammé toutes les imaginations — et même plus que le Soleil. Car le soleil brûle les yeux alors que la Lune se laisse contempler, elle. De plus sa forme varie —mince croissant ou disque plein —, et sa couleur aussi, alors que notre lampe à bronzer, là-haut, reste plus ou moins pareille à elle même toute l’année...

    Quelques jolis noms de divinités lunaires, pour commencer : Séléné ou Artémis, chez les Grecs ; Diane pour les Romains ; Uranie en Orient ; Isis en Égypte ; Astarté pour les Phéniciens ; Mylitta en Perse ; Alilat pour les Arabes ; Kali Ma pour les Hindous et Sin à Babylone...

    Une idée farfelue que j’aime bien est que la Lune exerce une influence sur nous, comme sur les marées, puisque nous sommes composés aux 3/4 d’eau... D’où le nombre incroyable de choses qu’il faut faire ou ne pas faire à la pleine lune : naître, par exemple, était mal vu au Moyen Âge, on prétendait que l’enfant serait de santé fragile. Naître en l’absence de lune revenait au même ; on disait d’ailleurs en Angleterre : « No moon, no man ». En revanche, naître en lune montante annonçait un enfant et vigoureux...

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    « Toute cette blancheur du studio me fait aussi penser au lait, bien sûr. J’ai donc ouvert en coulisse le « Dictionnaire des superstitions » de Fred, notre réalisateur, et noté deux ou trois choses sur le ‘prompteur’ que j’ai devant les yeux — vous n’alliez pas imaginer que j’improvisais, quand même ! Non, tout est écrit là— sur un miroir semi-transparent , là, placé la caméra, vous ne le voyez pas mais moi si !

    Donc, le lait. Symbole d’abondance et de fertilité. Mais aussi « nectar d’immortalité » en Inde et chez les Celtes. Pour les Grecs et les Égyptiens, être allaité par une déesse rendait immortel.

    Le lait est aussi associé au savoir et Mahomet en personne aurait affirmé que « rêver de lait c’est rêver de Science ou de Connaissance ».

    En Europe, renverser un peu de ce liquide par terre portait malheur. Si on y mettait le pied par mégarde, la vache de la ferme n’en donnerait plus.

    Au Tyrol on prétendait que boire du lait d’une vache entièrement noire rendait invisible ! Pas mal ! Regardez comment je fais, moi, pour disparaître... Et hop !

... Moi je préfère le sang : vous n’auriez pas l’adresse d’une bonne infirmerie ?!

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    « Regardez ce que je bricole là [...]. Un nœud dans mon mouchoir ! Vous savez que c’est ce qu’on recommande pour ne pas oublier quelque chose. On a longtemps cru en effet que c’est le Diable qui provoque les oublis — et nouer son mouchoir éloigne les démons, c’est évident !

    Le nœud a eu de tous temps une grande force magique. Il renvoie au lien — au lien imaginaire surtout : le nœud pouvait fixer et retenir des choses immatérielles comme l’âme par exemple.

    On disait en Europe qu’il était employé par les sorciers jeteurs de sorts. Même le Coran maudit « ceux qui soufflent dans les nœuds », car nouer un nœud en soufflant dessus, ou en lui murmurant quelques mots, c’était pratiquer la magie.

    En 1718 le parlement de Bordeaux fit brûler vif un individu qui « avait répandu la désolation au moyen de cordes nouées ».

    Dans la mer Baltique on disait aux marins de se munir d’un mouchoir à 3 nœuds : en défaisant le premier on obtenait du bon vent, le deuxième apportait une bonne pêche, mais il ne fallait jamais dénouer le troisième !

... Euh, moi un petit nœud, là, ça me rendrait service !

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    « Et ça, au fond de mon autre poche... c’est un clou ! Car le clou est un porte-bonheur, il est censé refouler les forces nuisibles et les mauvais esprits — c’est pareil d’ailleurs pour tous les objets pointus ou tranchants, qu’ils soient en fer ou non (ciseaux, couteaux, épingles, javelots, paratonnerres...).

    Le clou permet de fixer le mal, de l’empêcher de s’échapper. Pour éviter les cauchemars, par exemple, on recommande de ficher un clou quelque part dans la porte de la chambre à coucher. Si, en outre, ce clou provient d’un cercueil, il chassera les fantômes. C’est du moins ce qu’on pensait du temps des Romains.

    Mais ils sont une arme à double tranchant, les clous, comme dans cette légende qui avait cours aux États-Unis : on disait que l’assassin qui met 10 clous dans la poche de sa victime ne sera pas importuné par le fantôme de celle-ci ! — C’est rassurant pour les futures victimes ! Vérifiez toujours si quelqu’un ne vous a pas mis des clous en poche... ou des trombones... ou des agrafes...! On ne s’y retrouve plus avec ces superstitions...

    Allez, on enchaîne avec ceci, assez pointu également, regardez...

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    « Bon, toutes ces superstitions et ces accumulations de malheurs commencent à vous prendre la tête, je comprends. À la demande générale de Fred nous allons donc évoquer deux petites choses bien connues qui portent chance : le trèfle à quatre feuilles, et le fer à cheval. Le trèfle ? On soutenait dans l’Antiquité que le trèfle était ce qui donnait la force aux chevaux de Zeus. De même les druides le considéraient-ils comme une herbe bénéfique : il annonçait en effet l’orage en redressant ses feuilles. Quant à la variété « quatre feuilles », il paraît qu’elle doit son succès à Ève, qui réussit à en subtiliser quelques brins du paradis.

    Le fer à cheval doit son succès à plusieurs choses. Il est en fer, d’abord, et le fer, c’est toujours bon. Sa forme ensuite, qui rappelle aux chrétiens la lettre ‘C’, initiale du Christ, et aux autres un croissant de lune — symbole de fertilité, donc de chance.

    Mais que l’on puisse ferrer un cheval sans le faire souffrir, malgré les clous dans les sabots et le fer porté au rouge, voilà qui devait être dû aux propriétés magiques du fer lui-même...

    On retrouve quelques drôles de zèbres dans ce qui suit, regardez...

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    « Allez, on continue avec les superstitions, celles qui tournent là haut dans le ciel, je veux parler des comètes — objets qu’on ne comprenait absolument pas dans l’Antiquité, et qui suscitaient autant d’admiration que de frayeur. Pensez : un noyau brillant, un halo lumineux, une chevelure immense, des trajectoires inconnues, une vitesse élevée, une présence éphémère...

    Ainsi une comète apparut-elle avant la prise de Carthage par Scipion l’Africain. Les Romains y virent un présage favorable... mais pas les Carthaginois, manifestement !

    La plus fameuse comète de toutes reste celle de Halley : on attribue à l’écrivain américain Mark Twain cette loi qui veut que celui qui naît l’année du passage de la comète, mourra à son retour. Pour Mark Twain — né en 1835 et mort en 1910 —, cette prédiction se vérifia...

... La prochaine comète, boum !, je l’envoie contre la Terre ; il a tout faux, Mark Twain, tout... faux ! 

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    « Une belle histoire à propos des comètes du plateau précédent, vient du Limousin : on disait là-bas, que les comètes étaient des allumettes que le Diable jetait après avoir allumé sa pipe...

Joli, non ?!

    Mais voyez plutôt ceci [...] ! C’est la seule chose qui restera de nous, quand nous aurons fini notre petit tour de piste ici-bas, snif !

    C’est pour ça que les dents ont toujours été objet de superstition : on recommande d’ailleurs aux enfants de donner la dent qu’ils viennent de perdre « à la petite souris » ou « au rat ». Cette coutume vient de l’espoir que l’on a d’en acquérir une nouvelle, aussi blanche, solide et fine que celle de cet animal.

    On disait aussi que de grandes incisives, chez l’enfant, annonçaient la célébrité, de longues canines l’ambition, et de grosses molaires l’obstination — et quand on avait les 3, qu’est-ce qui se passait, Fred, on passait à la télé ?!

    Les dents des pendus étaient recherchées, comme en témoigne un célèbre tableau de Goya appelé « La chasse aux dents » : on disait qu’elles permettaient de jeter des sorts et de soigner les caries des vivants...

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    « Allez, un peu d’air après toutes ces catastrophes — ouvrons la fenêtre. Mais méfions-nous quand même, car de nombreuses légendes courent sur les fenêtres. Celle-ci par exemple, qui veut qu’on doive laisser la fenêtre ouverte quand quelqu’un meurt dans la maison. Cela afin que son âme puisse s’envoler vers les cieux, sinon elle rôdera dans son ancienne demeure...

     En Russie, lorsqu’un veuf se remarie, sa nouvelle femme doit, pour se mettre à l’abri des représailles de la première épouse, entrer, juste après la célébration du mariage, par la fenêtre de la maison.

    Laver les vitres un vendredi porte malheur, mais le faire à la nouvelle lune les maintient propres plus longtemps — c’est pratique, soit dit en passant ! Laver ses vitres en pleine nuit ! On ne voit pas ça souvent par chez nous, non ?!

    En Allemagne on observe le givre qui s’est déposé sur les vitres durant la nuit de Noël : « Une gelée fine et fleurie — je cite — annonce le bonheur dans le ménage, mais des dessins d’épines et d’orties annoncent chagrins et querelles » ... Se non e vero, e ben trovato !

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    « Et les cuillères, me direz-vous, que présagent-elles ? Les Anglais prétendent que la chute d’une cuillère sur le sol annonce la visite d’un enfant ou d’un idiot. Si l’enfant est idiot — entre nous — c’est vraiment pas de chance !

    Les Américains prétendent en outre que si la cuillère tombe à l’endroit, sur le cuilleron — oui, ça s’appelle le cuilleron, on en apprend tous les jours avec Fred [... ] — aïe, pas taper ! donc, si la cuillère tombe comme ça, c’est qu’une mauvaise surprise s’annonce, et comme ça, une bonne.

    En Aragon, pour connaître le sexe d’un enfant qui va naître, on lance en l’air une cuillère en bois : à l’endroit ce sera une fille, à l’envers un garçon...

    Attention de ne pas placer dans un saladier la cuillère et la fourchette en forme de croix : c’est un signe de malheur pour les Bretons ! En revanche, deux cuillères placées par hasard dans la même soucoupe présagent un mariage prochain dans la famille.

    Et deux cuillères placées côte à côte dans le lave-vaisselle, Fred, ça veut dire quelque chose ?!

    On enchaîne avec ça...

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    « Et la patte de lapin ? — me direz-vous — pourquoi porte-t-elle chance ? Probablement en raison des prodigieuses facultés ... comment dire... reproductrices de l’animal ! On dit « chaud comme un lapin », et la chaleur c’est la vie !

    Le côté magique qu’on lui prête également, vient de ce qu’il vit sous terre, dans des galeries et des terriers : il passait ainsi pour être en contact avec l’au-delà et les esprits des morts.

    En Angleterre, on affirmait « qu’une catastrophe minière était toujours précédée de l’apparition d’un lapin blanc dans un des bâtiments de surface ». En revanche, le lapin blanc est signe de prospérité en Chine ou en Normandie : on prétendait qu’il se tenait immobile, la nuit, à l’emplacement d’un trésor enfoui.

    Des deux côtés de la Manche, le lapin est proscrit des bateaux : sa présence à bord suffirait à faire lever des vents contraires... Cette croyance vient du temps des coques en bois : le lapin aurait ouvert des voies d’eau à l’aide de ses dents, provoquant des naufrages... Certains navigateurs refusent même qu’on monte à bord des boîtes de pâté portant l’image de cet animal...

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    « Retour au studio par la fenêtre, ça porte bonheur, nous l’avons vu ! Mais si l’on trouve de moins en moins de monde avec en poche un fer à cheval ou une patte de lapin pourrie, en revanche on rencontre toujours les fameuses chaînes de lettres.

    Elles vous arrivent un beau jour dans la boîte, envoyée par on ne sait qui, et disent toujours la même chose :

    « N’interrompez pas la chaîne de Saint-Antoine — ou de Saint-Machin ou de Marie-Truc —. Recopiez cette lettre 5 fois — ou 8 ou 10 ou 300 fois — et envoyez-là aux personnes à qui vous voulez du bonheur. Cette chaîne a été commencée par un Professeur Américain — ou Turc, ou Syldave — et doit faire le tour du monde.

    Madame Rodriguez qui a continué la chaîne a reçu un million. Monsieur Zecca, qui l’a interrompue, a été obligé de présenter une émission idiote à la télé, puis est tombé malade. Mademoiselle Dubois avait perdu sa lettre : sa maison a pris feu... etc., etc., vous connaissez le style. On trouve les mêmes sur Internet maintenant, c’est ça le progrès !

    Allez, c’est du pipeau tout ça, on enchaîne — c’est le cas de le dire !

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    « Toutes ces superstitions sont intéressantes, me direz-vous, mais qu’en est-il de l’argent ? Y a-t-il moyen de l’attirer à soi sans trop d’efforts, mmmh ?!

    En Russie on recommande de mettre, le jour de Noël, quelques pièces de monnaie dans de l’eau, puis, le jour de l’an, de se laver avec cette eau : cela éloignera les soucis financiers durant toute l’année.

    De même faut-il avoir une pièce sur soi quand on entend, la première fois de l’année, le chant du coucou [ ... ] — Merci ! —, sous peine de rester pauvre pour toute l’année.

    En France et en Angleterre on croit attirer la prospérité sur une maison en plaçant une pièce de monnaie dans ses fondations. De même trouve-t-on une pièce d’argent ou d’or sous le mât de nombreux bateaux en guise de porte-bonheur.

    Les pièces trouées, portées autour du cou, étaient très populaires jadis. De même pour les pièces tordues qu’il était recommandé de porter toujours sur soi. On se les faisait parfois coudre dans une doublure de vêtement afin qu’elles portent chance. Et pour gagner à la loterie, comment faire ? Après ceci !

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    « Pour gagner à la loterie, il suffit, chaque semaine, de ne pas jouer — comme disait mon grand-père. Pourtant de nombreuses légendes courent à ce sujet.

    Ainsi avoir un morceau de corde de pendu dans la main gauche fait choisir un bon numéro. Sauf qu’aujourd’hui je ne vois pas vraiment comment dénicher ce genre de gri-gri...

    Après avoir acheté un billet, il est d’excellent augure de casser par hasard une assiette. Fred, un bruit d’assiette s’il te plaît, pour le tirage de demain... Merci !

    Certaines formules magiques, à prononcer avant de dormir, promettaient d’être efficaces : « Seigneur, montrez-moi donc un mort mangeant de bonnes viandes, un beau pommier ou de l’eau courante. Envoyez-moi les anges Uriel, Buriel ou Barachiel qui m’instruiront des nombres que je dois prendre »...

    On disait aussi que dormir le petit doigt de la main gauche dans la main droite faisait rêver des bons numéros... Bonne nuit !

... Langues de grenouilles : 37 — Queues de lézard : 11 — Baves de crapaud : 2 — Rayons de Lune : 13 ...

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    « Voilà, c’est avec ces images que nous allons prendre congé. Congé d’Halloween, bien sûr ! J’aurais aimé, comme d’habitude, vous raconter deux ou trois autres histoires sur les mille superstitions qui agitaient notre monde avant que la science ne dissipe quelques ténèbres, mais l’heure a tourné et il faut arrêter là.

    N’hésitez pas à faire parler vos anciens de leur superstitions : qui sait, ça pourrait servir un jour ! Quelques idées ? Les échelles, les croix, les cercles, les chemises, les hiboux, la cire, les chandelles, etc.

    Et n’oubliez pas votre caméra si vous faites ce type d’interview, on ne sait jamais ce qui peut apparaître à l’image : fantôme, revenant ou diablotin avec le tiercé dans l’ordre !

    Notre adresse est apparue comme par magie pendant que je parlais, faites-y suivre vos séquences drôles ou insolites et... croisons les doigts ! Portez-vous bien et... à la prochaine ! 

 

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