Fleurs

 

 

    « Bonjour à tous et bienvenue sur le plateau de « Souriez, vous êtes filmés ! » Merci à tous ceux qui nous envoient des cassettes vidéo de leurs exploits, elles passeront dans notre émission spéciale de décembre.

    Vous aimez les fleurs ? Moi aussi ! Pourtant quoi de plus éphémère qu’un bouquet de fleurs, hein ? Deux bouquets — merci Fred ! — c’est même pas vrai, en plus !

    Il y a plus de 250.000 espèces de plantes à fleur. On en trouve des tropiques aux pôles en passant par l’Himalaya, les déserts, et jusqu’au fond des mers — ça vous donne une idée du nombre de bouquets différents qu’on peut composer au fil des saisons !

    Vous savez quelle est la fleur la plus cultivée dans le monde ? C’est le rosier, bien sûr. La rose est symbole d’amour et de beauté mais elle peut être aussi message secret : la couleur blanche signifie silence, le blanc mêlé de rouge beauté ardente, le jaune infidélité. La rose trémière, quand à elle, est symbole de fécondité.

    Allez, on démarre avec un petit bouquet de catastrophes ! »

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    « À propos des roses que j’évoquais tout à l’heure, vous savez qu’Anne d’Autriche et Louis 13 en avaient la phobie ? De telles phobies ont aussi frappé d’autres personnages célèbres : Érasme détestait l’odeur du poisson, Tycho Brahé, l’astronome, avait horreur des lièvres, le roi de France Henri 3 des chats, Louis 14 des chapeaux gris et Hobbes, le philosophe, de l’obscurité... Moi c’est les impôts, j’en ai un dégoût profond, c’est bizarre, non...

    Le pollen rend folles certaines personnes au printemps — et il se répand partout, comme les allergies, en augmentation chaque année. Mais le pollen est indispensable : c’est lui qui est à la base des innombrables formes, dimensions, couleurs et parfums de nos amies les fle-fleurs ! Et pour être pollinisées, celles-ci développent des stratégies de séduction invraisemblables : les fleurs de certaines orchidées, par exemple, ressemblent à des insectes femelles afin d’attirer les mâles. Lesquels mâles, chargés de pollen, viennent jeter un œil et... — bingo ! — la fécondation a lieu !

    Je n’ai pas la phobie de la reproduction, moi... Ça existe, ça ?!

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    « On continue avec les fleurs et les plantes : vous savez qu’elles se défendent avec acharnement parfois ? Je ne parle pas des plantes carnivores, qui attaquent, elles, avec leurs jolies mâchoires — clac !

    Non, je voulais parler de certaines plantes qui sont capables de devenir toxiques à l’approche d’un prédateur, et même de communiquer entre elles !

    C’est le cas du koudou, un arbre que l’on trouve dans la savane en Afrique du Sud ; c’est une variété d’acacia. Pour protéger ses feuilles de la gourmandise des antilopes, il en augmente, dès les premières bouchées, la teneur en acide tannique — tannique ta mère, en quelque sorte ! — et ça, les antilopes n’aiment pas ! De plus le koudou émet une substance qui, dans un rayon de 10 mètres, avertira les autres koudous, lesquels se défendront pareil, en produisant de l’acide dans leurs feuilles !

    Ah, si l’on pouvait éloigner ainsi les casse-pieds, ce serait simple ! Une bouffée d’anti-parfum qui éloignerait les indésirables, quel rêve ! Quoi, ça existe déjà ? Ça s’appelle la télécommande !? Non, ne zappez pas, je lance la suite, vite, moteur !

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    « Je crois que le seul endroit où le latin règne encore en maître, c’est la botanique — ‘botanique ta mère !’— Oui, merci Fred, on avait compris !

    Je continue : dans toutes les encyclopédies sérieuses on classe et nomme les végétaux en latin : ça permet à tout le monde de s’y retrouver, que l’on soit au Japon, au Brésil ou au carrefour Léonard — lequel, c’est vrai, cultiverait plutôt le béton...

    Certains noms de fleurs viennent des personnes qui les ont étudiées en profondeur. On a ainsi le camélia qui vient du jésuite Georg Joseph Kamel, le dahlia, qui vient du Suédois Andréas Dahl, le forsythia, qui vient du surintendant britannique des jardins royaux, Forsythe, le magnolia, qui vient du professeur de botanique français Pierre Magnol, etc. — L’etcétéra, lui-même, vient du mathématicien danois Etzeter, grand amateur de listes interminables — mais non, je plaisante, c’est encore du latin !

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    « Encore un mot d’explication sur le nom de certaines fleurs. Vous avez sûrement entendu parler déjà de la belladone, eh bien le nom de cette plante — bella donna, en latin — vient de ce que les jolies femmes en broyaient les baies pour obtenir un suc utilisé comme fard à paupière. Or la belladone contient de l’atropine...

Atropine ta mère !

... oui, merci, on a compris ! — la belladonne contient donc de l’atropine, une molécule qui accélère le rythme cardiaque et qui dilate la pupille des yeux. Cette pupille dilatée donnait de la profondeur au regard, donc un attrait particulier à celles qui en étaient pourvues. Vous vous souvenez de cette pub avec madame Karambeu pour une marque de... enfin de... je n’en porte pas sur moi, là... Elle disait :

— « Regardez-moi dans les yeux — j’ai dit les yeux ! »

    Ah les... yeux d’Adriana ! Et qui était Atropos ? Une des trois déesses grecques qui personnifiaient le Destin : Clotho présidait à la naissance, Lachésis à la vie et Atropos à la mort, car les baies de la belladone sont très, très toxiques...

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    « Le jardin idéal n’est pas trop grand, sinon bonjour le travail d’entretien ! Il doit comporter une belle surface gazonnée quand même — pour jouer au foot avec les enfants —, mais aussi quelques massifs de fleurs et 4 ou 5 plantes qui peuvent toujours servir en cuisine : menthe, sauge, basilic, thym, ciboulette, etc.

    Voici les éléments qu’il faut tenir à l’œil pour avoir un beau jardin :

— l’eau de pluie, qui doit tomber dans un sol aéré, humide, mais suffisamment drainé, sinon elle stagne et étouffe les plantes ;

— le vent, qui accélère la transpiration des plantes par les feuilles, ce qui risque de les dessécher, surtout en hiver ;

— le froid, qui peut s’accumuler au bas de certaines pentes ou au pied de certains murs et provoquer le gel du sol en hiver ;

— l’ombre, qui pose souvent un problème en ville, car toutes les plantes ont besoin de lumière pour la photosynthèse qui assure leur croissance ; — et le sol lui-même, bien sûr, qui peut être calcaire, tourbeux, sablonneux, argileux, vaseux... le meilleur étant limoneux, bien sûr-eux et fertileux. On se retrouveux après ça-eux !

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    « Si vous remontez dans vos souvenirs, je suis sûr que vous avez tous un arbre qui vous a marqué. Moi c’est un cerisier, un cerisier gigantesque, 20 mètres de haut, 3 mètres 50 de circonférence, des racines comme des cuisses d’éléphant plongées dans le sol.

    Ce cerisier était réservé « aux grands », évidemment, car il fallait de la force et des bras d’un kilomètre pour se hisser jusqu’à la première branche. Je devais avoir 10 ans quand je suis monté pour la première fois jusqu’au sommet : comme la maison était petite et les cerises énormes ! J’en ai croqué des dizaines — de cerises — avant de redescendre et de tomber malade d’indigestion, mais quel souvenir !

    Les plus grands arbres sont les séquoias et les pins de Douglas : ils peuvent dépasser 100 mètres de haut ! Vous imaginez la vue ! Le plus petit est un saule en Arctique : 4 cm seulement, mais un record : c’est l’arbre qui pousse le plus près du pôle.

    Prenez soin des arbres de votre jardin. Vous pourrez toujours y attacher une balançoire un jour, et tourner de bonnes petites images pour notre émission, si vous voyez ce que je veux dire... Aaaaahhh ! »

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    « Retour aux plantes et au jardin — jardin où l’on trouve parfois un coin potager qui permet d’améliorer l’ordinaire, c’est vrai. Mais ce qu’on sait moins c’est qu’on peut se constituer aussi une véritable petite pharmacie sous forme de plantes médicinales.

    Ces plantes doivent être maniées avec précaution : il vaut mieux consulter un fité... un fitoreux... un phytothérapeute, j’y arriverai ! avant de se soigner soi-même. Les vertus de certaines feuilles, fleurs, graines ou racines sont connues depuis l’Antiquité. La manière la plus courante de les consommer consiste à les boire en infusion. Loin des repas ces infusions ! et non juste après comme on le croit !

    Si vous avez souvent des migraines, plantez de la camomille au fond du jardin. Pour vaincre la toux ou pour lutter contre les insomnies utilisez les pétales du coquelicot. Vous perdez vos cheveux ?— un peu de sauge ! Et pour les voies respiratoires, vive l’eucalyptus !

    En revanche, pour prononcer convenablement « phytothérapeute » prenez... des cours !

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    « À propos de phytothérapie — c’est donc le traitement des maladies par les plantes —, connaissez-vous l’histoire du vinaigre des 4 voleurs ? Nous sommes à Toulon, en 1650, la peste ravage la ville. Pourtant cette maladie semble ne pas avoir de prise sur 4 voleurs qui, sûrs de leur immunité, détroussent les cadavres des pestiférés avant de piller leurs maisons. Capturés, ils sont condamnés à être brûlés vifs — à moins de révéler leur secret. Ce qu’il font. Il s’agissait d’un onguent, dit « vinaigre des 4 voleurs » dont la recette était composée d’absinthe, d’ail, d’angélique, de camphre, de cannelle, de clous de girofle, de lavande, de menthe, de romarin et de rue — le tout macérant dans du vinaigre. Il suffisait de s’en enduire les mains et le visage pour échapper à la terrible contagion.

    Le message fut aussitôt transmis aux habitants de la ville par voie d’affiches. La recette semblait efficace. Et comme promis, les 4 voleurs ne furent pas brûlés vifs : ils furent pendus !

    Sympa la justice au Moyen Âge !

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    « Le jardin est aussi le lieu d’une guerre de tranchées : c’est vous contre les ravageurs — quel beau mot, ravageur ! Car il ne faut pas croire que les plantes poussent comme ça, gentiment, sans faire d’histoires : non, elles attirent toutes sortes de bestioles, champignons, bactéries, pucerons et ballons de foot qui abrègent parfois dramatiquement leur vie...

    La bataille la plus rude est celle contre les insectes et les parasites ! Écoutez plutôt la liste de vos ennemis : l’acarien des bulbes, l’araignée rouge, la chenille et la cochenille, la cicadelle, le cloporte, le feu bactérien, les fourmis, les limaces, les mille-pattes, les nématodes — ce sont des vers —, le perce-oreille, le puceron, la punaise et l’oïdium — ce sont ces affreux filaments blancs au dos des feuilles, provoqués par un champignon —, la rouille, encore un champignon, beuark ! j’arrête, ça me gratte de partout...

    Bref, il faut pulvériser, tailler, brûler parfois certaines plantes... c’est la guerre, on se voit après ceci, quand le nuage de gaz sera dissipé ! »

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    « Oui, le nuage de gaz du plateau précédent venait directement du film « Ghostbusters » — vous vous souvenez de ces chasseurs de fantômes en tenues de cosmonautes. C’est à eux que vous ressemblerez lors des indispensables pulvérisations qui attendent 3-4 fois par an tout jardinier qui se respecte ! On nous dira que ces pulvérisations peuvent être remplacées par des coccinelles dressées à la chasse au puceron... Je demande à voir ! En attendant, pschhiitttt, pschittt !

    C’est pour ça que je comprends bien ceux qui ne cultivent pas spécialement l’amour des jardins. Avec leur appartement en ville, ils sont parfaitement heureux. Une petite terrasse avec quelques plantes en pot, le lierre qui remonte doucement vers la parabole, les fils du linge comme des tuteurs, et un bonzaï dans le salon, pour impressionner les amis de passage, que demander de plus ? Que les vases « Art Déco » reçus des beaux-parents soient garnis de fleurs, d’accord. Eh bien c’est le cas chez moi, car j’habite juste au-dessus d’une ravissante petite fleuriste... mais c’est une autre histoire...

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    « Nous sommes donc dans les plantes et les fleurs — dont l’iris, bien sûr, qui est l’emblème de la capitale.

    L’iris... Plus de 200 espèces, toute une gamme de coloris délicats (bleu, violet, blanc, rose, orange, etc.) — c’est une des plus anciennes plantes à fleurs cultivées par l’homme... On en retrouve même des représentations sur les murs du temple de Karnak, en Égypte.

    Iris est le nom de la déesse grecque qui personnifie l’arc-en-ciel. C’est la messagère des dieux auprès des hommes. Quand elle veut nous apporter une bonne nouvelle, elle déploie son écharpe — c’est l’arc-en-ciel — et elle descend nous voir, sympa, non ?!

    L’iris poussait en rhizome dans l’Antiquité : c’est un réseau de racines qui courent sous la surface. On donnait ce rhizome à mâchonner aux enfants qui souffraient des dents.

    Et le rhizome d’iris bouilli avec de la limaille de fer fournissait une superbe encre noire ! Quelques taches, Fred ? — Merci !

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    « J’aime aussi l’histoire du camélia. Son nom vient du jésuite Georg Joseph Kamel, comme nous l’avons vu en début d’émission. Ce brave homme en effet, revenant du Japon vers Europe, faisait escale en Chine. C’est là qu’il fut frappé par la beauté de cette fleur. Il préleva donc quelques poignées de graines qu’il fit déposer, en 1700, au jardin des Plantes, à Paris. Lesquelles graines germèrent et produisirent des arbustes... qui moururent aussitôt. Pas de chance. Ce n’est que 40 ans plus tard qu’un importateur anglais de thé l’introduisit par erreur en Grande-Bretagne où sa culture se développa — camélia et thé sont en effet de la même famille. Mais le nom camellia — avec deux « l » selon la nomenclature latine — ne devint camélia, avec un seul « l » qu’en 1848, grâce à la « Dame aux camélias » d’Alexandre Dumas fils. Ce dernier, ne sachant comment orthographier la fleur, improvisa. Et c’est sous cette forme fautive que le camélia s’imposa. On le retrouve dans la Traviata de Verdi ... bref ! Regardez ce drôle d’oiseau !

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    « Quelques superstitions à propos des fleurs, maintenant. Si vous en apportez à quelqu’un qui se trouve à l’hôpital, venez plutôt avec du rouge. Car le rouge est symbole de vitalité. Mais ne mélangez surtout pas ce rouge a du blanc, ça porte malheur, en souvenir des tombes romaines qu’on fleurissait avec ces deux couleurs. Un autre légende dit que celui qui quitte l’hôpital en ramenant chez lui les fleurs qu’il a reçues, risque d’y revenir très vite !

    Les fleurs offertes en nombre impair portent malheur aussi, dit-on, sauf si elles sont de couleur violette, allez comprendre !

    Les fleurs lilas évoquent les funérailles, les fleurs mauves attirent l’argent et les fleurs jaunes protègent de la sorcellerie.

    Pour les Américains, une fleur blanche, portée sur soi en voyage, met à l’abri des dangers.

    Quant à la Vierge, elle ne supporterait que le bleu — mais tous les bleus, pâle, roi, outremer, ciel etc.

    Au théâtre et sur les plateaux de télévision, évitez d’offrir des œillets, bide garanti ! — Ouh ouh, il y a quelqu’un ?!

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    « Ah nous ne serions pas complets sur les plantes si nous ne parlions des herbes... Pas de l’herbe, mes petits loups... cool... des herbes en général ! et des mauvaises en particulier !

    Qu’est-ce qu’une mauvaise herbe ? Une herbe qui entre en concurrence avec les céréales, bien sûr. Comme l’ivraie, par exemple, qui doit sa célébrité à la parabole du Semeur — non, pas cette parabole-là, enfin ! Le semeur comme ça, avec son bon grain... livré à temps !

    Le chiendent est une mauvaise herbe vivace, comme le grand plantain ou la terrible potentille rampante qui vous colonise un jardin en une saison avec ses affreuses petites fleurs jaunes...

    Ces herbes sont dites mauvaises parce qu’elles sont souvent toxiques, comme la nielle ou le séneçon, ou parce qu’elles propagent des maladies, comme la bourse-à-pasteur et les champignons de la rouille blanche, beuark ! Mais toutes les mauvaises herbes ne sont pas mauvaises, évidemment. L’ortie, par exemple, stimule la croissance des végétaux environnants... Le seigle et l’avoine, quant à eux, sont d’anciennes mauvaises herbes du blé... Comme quoi ! On enchaîne avec ceci...

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    « Voilà, c’est avec cette dernière série de vidéos que nous terminons l’émission : n’oubliez pas de filmer tout ce qui bouge autour de vous, que vous soyez au jardin, en ville, à la campagne ou sur votre coin de terrasse.

    Continuez à nous envoyer vos meilleures séquences à l’adresse habituelle : « Souriez, vous êtes filmés », Boîte postale 6, Schaerbeek 6 — c’est marqué ici dans le bac à fleur devant moi —, nous diffuserons les meilleurs films dans notre prochaine émission.

    À bientôt, pour d’autres bouquets d’images, joliment ficelés par vertes mimines de notre équipe chérie...  Non, pas d’œillets, merci... y a personne qui suit là... ?!

 

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