Le soleil

 

 

    « Bonjour à tous et bienvenue sur le plateau de « Souriez, vous êtes filmés ! » Une émission placée aujourd’hui sous le signe du printemps retrouvé, des couleurs qui reviennent et du soleil ! Mais avant de vous parler de l’étoile la plus proche de notre bonne vieille Terre, je voudrais remercier encore tous ceux et celles qui nous envoient leurs cassettes vidéo. Madame H... par exemple, de Sart-Dames-Avelines dont les images vont passer plus tard dans l’émission.

    Donc le soleil. Il a toujours eu la cote chez les photographes et les cinéastes. Quand il y a du soleil, il y a de la lumière, les images sont de meilleure qualité, la profondeur de champ augmente, tout devient net, les couleurs éclatent...

    Euh... merci, en régie ! Je crois qu’on a compris, oui... !

    Attention, trop de lumière tue la lumière ! Un bon directeur de la photographie équilibre ses sources, sinon l’image est trop contrastée...

    Bon, je vois que ce que je dis n’intéresse personne, c’est parti pour la première séquence ! On met son casque, attention !

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    « Ah ! les meilleurs patins ne sont pas ceux qui glissent, comme on vient de voir, mais ceux qu’on roule, non ? Comme ça... Smmmmack ! — Pardon ! C’est le soleil qui tape dur, excusez-moi !

    Le soleil, donc, a toujours fasciné l’humanité. Il est source de vie, comme l’on très vite compris les premiers habitants de notre monde, car il fait pousser les récoltes. Mais il est aussi la vérité, l’œil unique et tout-puissant de la justice qui nous surveille de là-haut, le guérisseur des maladies de l’âme et du corps, la fécondité...

    Au Japon, « Pays du soleil levant », on prie la déesse Amaterasu, « Celle qui brille dans le ciel ». On la célèbre à l’aube du jour de l’an, sur les rivages sacrés de Futamigaura, haut lieu de pèlerinage shintô... Des milliers de Japonais se massent au bord de l’eau et claquent deux fois dans les mains quand le disque solaire apparaît. Il veulent ainsi attirer sur eux la bénédiction divine. Amaterasu est symbolisée par un miroir de bronze rond, dans la mythologie japonaise.

    « Allons pludemment danser le lock&loll à plésent... »

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    « Vous savez ce que les anciens Grecs pensaient, eux, de la trajectoire du soleil ? Qu’elle était bien étrange ! Comment faisait donc notre astre du jour pour se lever tous les matins à l’est en se couchant à l’ouest ? Il fallait bien qu’il rebrousse chemin quelque part, afin de pouvoir resurgir le lendemain au même endroit !

    Certains avaient imaginé qu’il passait sous nos pieds, par les Enfers. D’autres voyaient la voûte céleste comme une gigantesque cloche à fromage, percée de trous : pour revenir à son point de départ, le soleil, après s’être couché, passait derrière la cloche. Il était alors invisible à nos yeux et ne se manifestait qu’à travers les petits trous de la voûte céleste — les étoiles !

    Quelque chose cloche pourtant — c’est le cas de le dire : les Grecs connaissaient bien les éclipses. Quand la Lune venait masquer le soleil en plein jour — comme il y a deux ans, au mois d’août, vous vous souvenez — tout s’obscurcissait et les étoiles apparaissent ! En plein midi ! Comment expliquer que le soleil soit des deux côtés de la cloche à fromage à la fois ?... Mmmmh ?

    Et peut-on se fier aux chaises de camping ? Voyons voir...

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    « Le Dieu du soleil, pour les Grecs, est Hélios. Et Hypérion est son père. Hypérion veut dire en grec « celui qui va au-dessus » — sous-entendu « au-dessus de la Terre ». C’est l’un des Titans de la mythologie. Il est le père d’Hélios, donc, mais aussi de Séléné (la Lune) et d’Éos (l’Aurore). Hypérion n’occupe pourtant qu’une place secondaire dans la mythologie grecque ancienne. Ce sont deux poètes romantiques qui lui redonneront une certaine notoriété, vers 1820 : John Keats et Friedrich Hölderlin. Mais la vraie star c’est Hélios, plus connu sous le nom d’Apollontout le monde suit ?!

    Hélios est un jeune homme d’une très grande beauté, à la chevelure d’or. Chaque matin, précédé par le char de l’Aurore, il s’élance sur son attelage de feu et prend la route étroite qui suit le milieu du ciel. Au soir, il baigne ses chevaux fatigués dans l’Océan. Il est celui qui voit tout, l’œil du monde, et à ce titre guérira d’ailleurs la cécité d’Orion, mais c’est une autre histoire...

    On fait une petite pause en forêt, regardez !

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    « La hauteur du soleil dans le ciel est la première chose qui servit à noter l’heure. En Chine, en Inde, en Grèce on a utilisé le gnomon, simple règle ou équerre placée verticalement : il suffisait de mesurer la longueur de son ombre. Un peu plus tard on inventa le cadran solaire qui donnait l’heure d’un simple coup d’œil : plus besoin de mesurer, on regardait où l’ombre se posait. Pour cela — astuce — il fallait que la baguette dressée le fut parallèlement à l’axe de rotation de la Terre ! Cette trouvaille fut importante car les cadrans solaires devaient être conçus pour l’endroit où ils seraient utilisés : le facteur primordial étant leur distance par rapport à l’équateur. Ça a l’air compliqué, mais les Grecs, il y a 23 siècles, avaient déjà calculé correctement l’inclinaison de la Terre sur son axe, ainsi que la circonférence de celle-ci !

    Très fort, les gars, bravo ! Mais tout ceci, gnomons et cadrans, ne fonctionne ni la nuit, ni par temps couvert... C’est là qu’entrent en scène les horloges à eau, ou clepsydres, mais c’est un autre débat, trop mouillé à mon goût...

    Vaches, les images qui suivent, vaches...

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    « Le soleil est vénéré partout, bien sûr, et notamment dans les agences de voyage qui n’existeraient probablement pas sans lui. Mais la civilisation qui mit vraiment le soleil au centre des préoccupations, fut la civilisation égyptienne. Durant plus de 3500 ans, le discours ne varia pas. Il fallait suivre scrupuleusement la tradition afin de ne pas risquer un dérèglement des phénomènes qui assuraient la survie de l’Égypte : le lever du soleil, son coucher, et les inondations périodiques du Nil.

    Pour que cette harmonie fût maintenue, il était impérieux que les hommes, et que Pharaon lui-même, respectassent l’ordre conçu par les dieux — et accessoirement l’imparfait du subjonctif...

S’y retrouver dans la religion égyptienne — les religions, plutôt —est un vrai casse-tête, car il y avait autant de dieux principaux que de provinces, soit 42. Était divin aussi l’époux ou l’épouse du Dieu principal, ainsi que leur enfant, ce qui faisait déjà 126 noms à retenir... Sans parler des dieux et des déesses secondaires...

Où ça le soleil, où ça ? En Égypte ? — On y va, pardon...

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« Héliopolis est le nom d’un quartier chic du Caire, sur la route de l’aéroport. On peut y admirer aujourd’hui encore la magnifique villa-château que construisit le premier baron Empain il y a un siècle — elle est en forme de pseudo-pagode hindoue.

Mais Héliopolis, dans l’Antiquité a été le centre le plus ancien du culte du Soleil sous ses divers aspects : Soleil-levant (Khepri), Soleil-de-midi (), Soleil-couchant (Atoum). Mais il y avait aussi les enfants d’Atoum : Shou, l’Atmosphère, et Tefnout, l’Humidité. Lesquels procréèrent Geb, la Terre, et Nout, le Ciel. De qui sortirent deux nouveaux couples : le couple Osiris-Isis et le couple Seth-Nephtis... Mmmh, quelle musique, ces noms égyptiens !

Akhenaton, il y a 3500 ans, essaya même de supprimer tous les dieux, pour n’en garder qu’un, , le Soleil, qu’on représentait souvent en forme de disque aux innombrables rayons terminés d’une petite main. Mais cette tentative monothéiste tourna court : dès la mort d’Akhenaton les prêtres, pas fous, rétablirent l’ordre ancien...

On enchaîne avec un sapin de Noël...

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     « Deuxième partie de l’émission, toujours sous le signe du soleil. Et de l’Égypte. Où l’on n’a retrouvé que très peu d’écrits remontant aux débuts du culte de , le Dieu-Soleil — Râ, pour certains. Le papyrus est en effet un support fragile. Quant à l’argile ou la pierre, plus résistants, on constate que presque aucun texte religieux n’utilisa ce genre de support.

    Nous sommes sûrs, pourtant, que 3000 ans avant notre ère, déjà, l’on rendait hommage au soleil à travers les rites funéraires : les morts étaient enterrés la tête dirigée vers l’ouest, direction où « mourait » chaque soir le soleil. C’est 500 ans plus tard qu’apparut la splendide figure d’Horus, le dieu à tête de faucon, surmonté d’un disque d’or. À l’origine, Horus, dieu du Ciel — sans doute le plus ancien dieu de l’Égypte — était distinct du Soleil, mais il fut récupéré par les prêtres d’Héliopolis qui amalgamèrent ces deux divinités en une seule, .

    marquera les esprits, avec son œil redoutable — il me surveille depuis le début de l’émission d’ailleurs...

    Ouf, ça donne soif tout ça : on se fait un petit plan d’eau ?

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    « Jolie réception pour ce jeune homme — faire un soleil, pour les sportifs, c’est prendre une gamelle !

    Et nous, à propos de chute, quand allons-nous tomber sur notre étoile ?

    Eh bien rassurez-vous, le Soleil, âgé de 5 milliards d’années environ, en a encore autant à vivre. Mieux même : si les réactions nucléaires en son centre s’arrêtaient pile aujourd’hui — comme ça, clic ! d’un coup d’interrupteur —, il faudrait encore 10 millions d’années pour que sa surface refroidisse et que la Terre s’en ressente... Pas de danger donc pour le bronzage de cet été !

    D’ailleurs le Soleil ne s’éteindra pas comme ça, comme une braise qui refroidit lentement : dans 5 milliards d’années, en fin de vie, il se mettra à gonfler, se transformant en « géante rouge ». Il grossira tellement qu’il engloutira Mercure et Vénus, ses planètes les plus proches. Puis il occupera presque tout le ciel visible et la Terre deviendra une fournaise ! La suite de ce cauchemar après ceci !

    Ça me connaît, la fournaise, j’ai tout prévu, j’suis pas un bleu...

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    « Tiens, ce sympathique chien que nous venons de voir me rappelle qu’il est à l’origine du mot « canicule » — canis c’est le chien en latin. Et canicula désignait Sirius, l’étoile principale de la constellation du Grand Chien. Sirius, étoile très brillante, se lève et se couche en même temps que le soleil en été, durant les journées les plus chaudes. Les jours de canicule s’appellent d’ailleurs Dog Days en anglais et Hundstage en allemand.

    Mais revenons à un autre type de canicule, de fournaise plutôt, celle qui nous attend — ou plutôt attend nos arrière-arrière-arrière, etc. petits enfants —, quand le soleil arrivera en fin de vie. Ayant donc gonflé, englouti Mercure et Vénus, il expulsera brusquement ses couches externes puis se recroquevillera sous forme de « naine blanche » — de la taille de la Terre environ...

    Mais bon, nous n’en sommes pas là ! Le Soleil non plus, d’ailleurs, puisque celui que nous voyons est 8 minutes plus jeune que le vrai, le temps que les rayons... Vous me suivez ? On part en Chine... 

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    « L’importance du soleil dans notre culture se retrouve à l’occasion de la fête de Noël, le 25 décembre. Car cette fête est bien plus ancienne que la naissance du Christ ! C’était une fête païenne à l’origine, la fête de la renaissance du soleil. La nuit du 21 décembre en effet, et les deux ou trois autres qui suivent, sont les plus longues de l’année dans l’hémisphère nord. Mais après ça c’est fini, le soleil, à midi, cesse d’être de plus en plus bas sur l’horizon. Il semble s’immobiliser — et c’est de là que vient le mot solstice : du latin « sol stat », le soleil est.

    On aidait donc le Soleil à lutter contre le froid et la nuit. De gigantesques brasiers étaient allumés, des danses aux flambeaux organisées, et dans certains villages de montagne on faisait dévaler d’immenses roues de paille enflammée sur les pentes des collines.

    Ce n’est qu’au 4e siècle que les Églises chrétiennes décidèrent de récupérer ces coutumes populaires : on se mit à célébrer la naissance du Seigneur, désigné d’ailleurs par la Bible comme « Soleil de justice » et « Lumière du monde » — la boucle est bouclée !

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    « En Europe, les plus vieux indices d’un culte du soleil remontent à la fin du néolithique, soit il y a plus de 5000 ans. Les 4 cercles concentriques de Stonehenge, dans le sud-ouest de l’Angleterre, en sont l’illustration la plus impressionnante, voyez plutôt !

    Pourtant la fonction exacte de Stonehenge reste controversée : était-ce un sanctuaire ? un observatoire astronomique ? une sorte de calendrier de pierre destiné à régler la vie agricole ? Un peu de tout ça, probablement.

    Ce site fut enrichi et modifié au cours des millénaires. Aux talus d’origine succéda une structure en bois — puis un ensemble de mégalithes dressés vers le ciel et surmontés de linteaux.

    Les 80 menhirs de pierre bleue furent taillés à 200 kilomètres de là, dans l’ouest du pays de Galle ! Bravo les Obélix — et costauds les livreurs !

    Aujourd’hui des tas d’allumés vaguement new age se rendent en pèlerinage à Stonehenge : déguisés en druides au solstice d’été, ils doivent amuser notre bon vieux soleil...

    Mme H..., c’est à vous !
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    « Ah ! toujours aussi drôle l’effet farine dans la figure — mais que penser du Machu Picchu ?

    Que c’était peut-être aussi un sanctuaire réservé à l’adoration du soleil. Construit par les Incas au cœur du Pérou, une quarantaine d’année avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, ce site extraordinaire ne fut jamais connu des Espagnols. Peuplé d’un millier de personnes seulement, agriculteurs et prêtres en majorité, le Machu Picchu (« haute cime » — 2350 mètres) fut abandonné rapidement par ses fondateurs mêmes — moins de 100 ans après sa construction. Il sombra dans l’oubli jusqu’à sa redécouverte en 1911, par l’Américain Hiram Bingham, un jeune professeur de l’université de Yale qui n’en crut pas ses yeux.

    Au sommet du temple principal se trouvait l’« Intihuatana », littéralement « là où l’on attache le soleil », un mélange d’autel et de cadran solaire massif dont les 4 angles de base indiquaient les 4 points cardinaux.

    Et le soleil de minuit, c’est pour quand ?!

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    « Dans ce royaume, aucun oiseau ne vole, aucune feuille ne bouge, si telle n’est pas ma volonté ». Ainsi s’exprimait Atahualpa, le dernier empereur Inca qui fut aussi le premier Roi-Soleil. Le second s’appelait Louis 14, lequel se contenta de proclamer : « L’État, c’est moi ! » : 105 ans et 10.000 km séparaient ces deux monarques absolus.   Dans ses Mémoires Louis 14 écrivit qu’il avait choisi cet emblème « ... parce qu’en produisant incessamment de la vie, de la joie, de l’activité pour tout le monde, le soleil jamais ne dévie ou ne s’écarte de sa course immuable ».

    À l’âge de 15 ans, déjà, le jeune Louis incarnait Apollon, le Dieu-Soleil, dans le célèbre Ballet royal de la nuit.

    Tout Versailles, enfin, fut décoré de motifs, de statues et de fontaines illustrant le mythe solaire : le grand bassin, orné du char d’Apollon, la fontaine centrale, dominée par la mère d’Apollon, et la grotte de Thétis, consacrée au coucher d’Apollon...

    Le Roi mourut à 77 ans, après 55 ans de règne — le soleil, lui, brille toujours...

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    « Le soleil suggère plutôt l’optimisme, et l’on retrouve cet aspect dans des expressions comme : avoir des biens au soleil, se faire une place au soleil, tu es mon rayon de soleil, etc. D’autres expressions sont savoureuses, comme pisser contre le soleil qui veut dire ça ne sert à rien, mais les deux phrases historiques les plus célèbres sont certainement celles de Charles-Quint et de Diogène.

    Charles-Quint affirmait froidement que : « Le soleil ne se couche jamais sur mon empire ». Diogène, lui, ne disait rien et faisait la sieste...

    Nous sommes à Corinthe au 3e siècle, Alexandre le Grand est fêté en ville pour sa victoire contre les Perses. Ayant appris que Diogène, le célèbre philosophe, somnole un peu plus loin, Alexandre va le trouver : « Diogène, je peux t’offrir tout ce que tu veux ! Que souhaites-tu ? » — « Ôte-toi de mon soleil ! » répondit celui-ci, que l’ombre dérangeait.

    Alexandre se mit à rire, raconte Plutarque, et dit à ceux qui l’accompagnaient : « Si je n’avais pas été moi, j’aurais bien voulu être lui ! » Cette histoire a immortalisé Diogène, mais faites attention en traversant, regardez !

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    « Voilà, c’est avec cette dernière série d’images mouillées que nous allons terminer l’émission. J’aurais aimé vous parler encore des Mayas et des Aztèques, autres peuples du soleil, ou des feux de la Saint-Jean, allumés au solstice d’été, ou des États et Empires du Soleil, chers à Cyrano de Bergerac — mais nous n’avons plus le temps.

    Faites comme Geneviève H... de Sart-Dames-Avelines, continuez à nous envoyer vos cassettes les plus drôles à l’adresse ci-dessous [...] , mais ne vous découvrez pas d’un fil : nous sommes toujours en avril !

    Ai-je le temps de dire un mot encore du « bindu » ? C’est le point sur le front que portent traditionnellement les femmes indiennes. Ce symbole solaire remonte à la nuit des temps et... Non ?! Bon, je vois, on éteint tout pour me faire taire, sympa...

    À la prochaine fois ! ...

   

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