Texte publié dans la brochure

 « Tolérance, des mots pour le dire »

à l’initiative de la revue belge Regards

(mars 2004)

 

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Démons personnels

 

Je lui mets mon poing dans la gueule tous les jours.

C’est moi qui saigne.

 

Je le couvre d’insultes – bachi-bouzouk ! babouin ! bibendum !

C’est moi qui m’essuie le visage.

 

Je lui tords le bras – et c’est moi, encore, qui m’échappe de justesse.

 

Reste là !

Je lui course le train.

Il me rattrape, évidemment.

J’essaie de discuter, j’explique – pour ne plus avoir peur.

Peur quand même.

J’ai quelques principes. Lui non plus. Moi aussi.

 

Tiens, une bouffée de haine qui revient : attrape ça, connard de ta race ! Caucasien ! Valériquais ! Allobroge ! Vanuatan !

 

C’est dur de penser contre soi-même, de se battre contre son double – ou sa moitié : on se prend des pains pas possibles.

J’ai des bleus partout.

 

Pour faire la paix, faisons la paix.

En nous d’abord.

 

Sale pauvre ! Ta gueule ! Chez les Grecs !

Ça recommence. Chez moi c’est baston à tous les étages, à toute heure, toute l’année. Va falloir me civiliser tout ça.

 

Desserre le poing. Toi le premier. Non, toi. Non. D’accord...

On se parle : c’est quoi un Valériquais ? Un habitant de Saint-Valéry-en-Caux, quelque part sur la Manche, aucun rapport.

Et il fait comment là-bas ?

Faut voir.

On y va ?

 

J’y suis allé – avec moi. On est réconcilié.

Là-bas c’est comme partout.

Faut se battre.

 

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