[Compilation à partir d’une série de messages privés reçus fin avril 2008]

 

 

Jean-Marc Falcoz :

http://membres.lycos.fr/vargolettres/histoire.htm

 

 

Quelques voyages de textes

 

 

On se souvient qu’un texte pouvait vous envoyer promener de façon inattendue (voir ici). Jean-Marc a imaginé d’autres façons de voyager. Il a eu l’idée d’une « rose des vents » originale présentant vingt-six points cardinaux (au lieu des quatre traditionnels). Il a placé à l’est la lettre la plus fréquente en français (le E), puis la deuxième lettre la plus fréquente – le A – 13°846 plus haut, puis la troisième plus fréquente (S) 13°846 plus bas que le E, et ainsi de suite, alternant « plus haut » et « plus bas » jusqu’à épuisement de l’alphabet EASITNRUOLDCMPVQFGHBJXYZKW.

 

Cette « boussole » étant dessinée, il suffit de représenter chaque lettre par un segment d’orientation ad hoc — et d’enchaîner lesdits segments.

 

Voici le trajet que suivent certaines fables de la Fontaine bien connues. On remarquera que la tendance générale du texte est d’aller vers la droite ; c’est normal puisque c’est la direction qu’indiquent les lettres les plus fréquentes. Les gros points de couleur montrent l’arrivée théorique moyenne de chaque fable :

 

- Le Renard et la Cigogne (en rouge) ;

- Le Chêne et le Roseau (en vert) ;

- Le Rat de ville et le Rat des champs (en bleu) :

 

 

 

 

Compère le Renard se mit un jour en frais,

Et retint à dîner commère la Cigogne.

Le régal fût petit et sans beaucoup d'apprêts :

Le galant pour toute besogne,

Avait un brouet clair ; il vivait chichement.

Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :

La Cigogne au long bec n'en put attraper miette ;

Et le drôle eut lapé le tout en un moment.

Pour se venger de cette tromperie,

À quelque temps de là, la Cigogne le prie.

« Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis

Je ne fais point cérémonie. »

À l'heure dite, il courut au logis

De la Cigogne son hôtesse ;

Loua très fort la politesse ;

Trouva le dîner cuit à point :

Bon appétit surtout ; Renards n'en manquent point.

Il se réjouissait à l'odeur de la viande

Mise en menus morceaux, et qu'il croyait friande.

On servit, pour l'embarrasser,

En un vase à long col et d'étroite embouchure.

Le bec de la Cigogne y pouvait bien passer ;

Mais le museau du sire était d'autre mesure.

Il lui fallut à jeun retourner au logis,

Honteux comme un Renard qu'une Poule aurait pris,

Serrant la queue, et portant bas l'oreille.

Trompeurs, c'est pour vous que j'écris :

Attendez-vous à la pareille.

 

 

Le Chêne un jour dit au Roseau :

« Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;

Un roitelet pour vous est un pesant fardeau.

Le moindre vent, qui d'aventure

Fait rider la face de l'eau,

Vous oblige à baisser la tête :

Cependant que mon front, au Caucase pareil,

Non content d'arrêter les rayons du soleil,

Brave l'effort de la tempête.

Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.

Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage

Dont je couvre le voisinage,

Vous n'auriez pas tant à souffrir :

Je vous défendrais de l'orage ;

Mais vous naissez le plus souvent

Sur les humides bords des royaumes du vent.

La nature envers vous me semble bien injuste.

- Votre compassion, lui répondit l'arbuste,

Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.

Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.

Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici

Contre leurs coups épouvantables

Résisté sans courber le dos ;

Mais attendons la fin. » Comme il disait ces mots,

Du bout de l'horizon accourt avec furie

Le plus terrible des enfants

Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.

L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.

Le vent redouble ses efforts,

Et fait si bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au Ciel était voisine

Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

 

Autrefois le Rat de ville

Invita le Rat des champs,

D'une façon fort civile,

À des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie

Le couvert se trouva mis.

Je laisse à penser la vie

Que firent ces deux amis.

Le régal fut fort honnête,

Rien ne manquait au festin ;

Mais quelqu'un troubla la fête

Pendant qu'ils étaient en train.

À la porte de la salle

Ils entendirent du bruit :

Le Rat de ville détale ;

Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire :

Rats en campagne aussitôt ;

Et le citadin de dire :

Achevons tout notre rôt.

- C'est assez, dit le rustique ;

Demain vous viendrez chez moi :

Ce n'est pas que je me pique

De tous vos festins de Roi ;

Mais rien ne vient m'interrompre :

Je mange tout à loisir.

Adieu donc ; fi du plaisir

Que la crainte peut corrompre.

 

 

 

Des attributions d’angles différentes produiraient d’autres parcours, bien sûr. Voici par exemple (en rouge) la trace produite par le conte de Guy de Maupassant intitulé « Farce normande », où la lettre A pointerait horizontalement vers la droite, la lettre B d’un angle de 13°846 vers le haut (par rapport à l’horizontale), la lettre C de deux fois cette valeur (donc 27°692 vers le haut), la lettre D de trois fois cette valeur, la lettre E de quatre fois cette valeur, etc. Les vingt-six lettres de l’alphabet seraient donc réparties sur 360°, en commençant par le A placé à l’est, puis en remontant par angles successifs de 13°846, dans le sens opposé des aiguilles d’une montre :

 

 

La couleur verte est celle du même texte,

mais dans sa traduction anglaise (voir tout en bas)

 

 

Contrairement à ce que l'on pourrait supposer au vu des deux voyages, le trajet en français est plus long que sa traduction anglaise. Et ce parce que le parcours français est beaucoup plus tortueux. Voici un zoom à la même échelle de la zone la plus enchevêtrée de chacune des versions :

 

 

 

 

« Fable normande »

 

La procession se déroulait dans le chemin creux ombragé par les grands arbres poussés sur les talus des fermes. Les jeunes mariés venaient d'abord, puis les parents, puis les invités, puis les pauvres du pays, et les gamins qui tournaient autour du défilé, comme des mouches, passaient entre les rangs, grimpaient aux branches pour mieux voir.

 

Le marié était un beau gars, Jean Patu, le plus riche fermier du pays. C'était, avant tout, un chasseur frénétique qui perdait le bon sens à satisfaire cette passion, et dépensait de l'argent gros comme lui pour ses chiens, ses gardes, ses furets et ses fusils.

 

La mariée, Rosalie Roussel, avait été fort courtisée par tous les partis des environs, car on la trouvait avenante, et on la savait bien dotée ; mais elle avait choisi Patu, peut-être parce qu'il lui plaisait mieux que les autres, mais plutôt encore, en Normande réfléchie, parce qu'il avait plus d'écus.

 

Lorsqu'ils tournèrent la grande barrière de la ferme maritale, quarante coups de fusils éclatèrent sans qu'on vît les tireurs cachés dans les fossés. À ce bruit, une grosse gaieté saisit les hommes qui gigotaient lourdement en leurs habits de fête ; et Patu, quittant sa femme, sauta sur un valet qu'il apercevait derrière un arbre, empoigna son arme, et lâcha lui-même un coup de feu en gambadant comme un poulain.

 

Puis on se remit en route sous les pommiers déjà lourds de fruits, à travers l'herbe haute, au milieu des veaux qui regardaient de leurs gros yeux, se levaient lentement et restaient debout, le mufle tendu vers la noce.

 

Les hommes redevenaient graves en approchant du repas. Les uns, les riches, étaient coiffés de hauts chapeaux de soie luisants, qui semblaient dépaysés en ce lieu ; les autres portaient d'anciens couvre-chefs à poils longs, qu'on aurait dits en peau de taupe ; les plus humbles étaient couronnés de casquettes.

 

Toutes les femmes avaient des châles lâchés dans le dos, et dont elles tenaient les bouts sur leurs bras avec cérémonie. Ils étaient rouges, bigarrés, flamboyants, ces châles ; et leur éclat semblait étonner les poules noires sur le fumier, les canards au bord de la mare, et les pigeons sur les toits de chaume.

 

Tout le vert de la campagne, le vert de l'herbe et des arbres, semblait exaspéré au contact de cette pourpre ardente et les deux couleurs ainsi voisines devenaient aveuglantes sous le feu du soleil de midi.

 

La grande ferme paraissait attendre là-bas, au bout de la voûte des pommiers. Une sorte de fumée sortait de la porte et des fenêtres ouvertes et une odeur épaisse de mangeaille s'exhalait du vaste bâtiment, de toutes ses ouvertures, des murs eux-mêmes.

 

Comme un serpent, la suite des invités s'allongeait à travers la cour. Les premiers, atteignant la maison, brisaient la chaîne, s'éparpillaient, tandis que là-bas il en entrait toujours par la barrière ouverte. Les fossés maintenant étaient garnis de gamins et de pauvres curieux ; et les coups de fusil ne cessaient pas, éclatant de tous les côtés à la fois, mêlant à l'air une buée de poudre et cette odeur qui grise comme de l'absinthe.

 

Devant la porte, les femmes tapaient sur leurs robes pour en faire tomber la poussière, dénouaient les oriflammes qui servaient de rubans à leurs chapeaux, défaisaient leur châles et les posaient sur leurs bras, puis entraient dans la maison pour se débarrasser définitivement de ces ornements.

 

La table était mise dans la grande cuisine, qui pouvait contenir cent personnes.

 

On s'assit à deux heures. A huit heures on mangeait encore. Les hommes engloutissaient comme des gouffres. Le cidre jaune luisait, joyeux, clair et doré, dans les grands verres, à côté du vin coloré, du vin sombre, couleur de sang.

 

Entre chaque plat on faisait un trou, le trou normand, avec un verre d'eau-de-vie qui jetait du feu dans les corps et de la folie dans les têtes.

 

De temps en temps, un convive plein comme une barrique, sortait jusqu'aux arbres prochains, se soulageait, puis rentrait avec une faim nouvelle aux dents.

 

Les fermières, écarlates, oppressées, les corsages tendus comme des ballons, coupées en deux par le corset, gonflées du haut et du bas, restaient à table par pudeur. Mais une d'elles, plus gênée, étant sortie, toutes alors se levèrent à la suite. Elles revenaient plus joyeuses, prêtes à rire. Et les lourdes plaisanteries commencèrent.

 

C'étaient des bordées d'obscénités lâchées à travers la table, et toutes sur la nuit nuptiale. L'arsenal de l'esprit paysan fut vidé. Depuis cent ans, les mêmes grivoiseries servaient aux mêmes occasions, et, bien que chacun les connût, elles portaient encore, faisaient partir en rire retentissant les deux enfilées de convives.

 

Un vieux à cheveux gris appelait : « Les voyageurs pour Mézidon en voiture ». Et c'étaient des hurlements de gaieté.

 

Tout au bout de la table, quatre gars, des voisins, préparaient des farces aux mariés, et ils semblaient en tenir une bonne, tant ils trépignaient en chuchotant.

 

L'un d'eux, soudain, profitant d'un moment de calme, cria :

 

- C'est les braconniers qui vont s'en donner c'te nuit, avec la lune qu'y a !... Dis donc, Jean, c'est pas c'te lune-là qu'tu guetteras, toi ?

 

Le marié, brusquement, se tourna :

 

- Qu'y z'y viennent, les braconniers !

 

Mais l'autre se mit à rire :

 

- Ah ! i peuvent y venir ; tu quitteras pas ta besogne pour ça !

 

Toute la tablée fut secouée par la joie. Le sol en trembla, les verres vibrèrent.

 

Mais le marié, à l'idée qu'on pouvait profiter de sa noce pour braconner chez lui, devint furieux :

 

- J'te dis qu'ça : qui z'y viennent !

 

Alors ce fut une pluie de polissonneries à double sens qui faisaient un peu rougir la mariée, toute frémissante d'attente. Puis, quand on eut bu des barils d'eau-de-vie, chacun partit se coucher ; et les jeunes époux entrèrent en leur chambre, située au rez-de-chaussée, comme toutes les chambres de ferme ; et, comme il y faisait un peu chaud, ils ouvrirent la fenêtre et fermèrent l'auvent. Une petite lampe de mauvais goût, cadeau du père de la femme, brûlait sur la commode ; et le lit était prêt à recevoir le couple nouveau, qui ne mettait point à son premier embrassement tout le cérémonial des bourgeois dans les villes.

 

Déjà la jeune femme avait enlevé sa coiffure et sa robe, et elle demeurait en jupon, délaçant ses bottines, tandis que Jean achevait un cigare, en regardant de coin sa compagne.

 

Il la guettait d'un œil luisant, plus sensuel que tendre ; car il la désirait plutôt qu'il ne l'aimait ; et, soudain, d'un mouvement brusque, comme un homme qui va se mettre à l'ouvrage, il enleva son habit.

 

Elle avait défait ses bottines, et maintenant elle retirait ses bas, puis elle lui dit, le tutoyant depuis l'enfance : « Va te cacher là-bas, derrière les rideaux, que j'me mette au lit ».

 

Il fit mine de refuser, puis il y alla d'un air sournois, et se dissimula, sauf la tête. Elle riait, voulait envelopper ses yeux, et ils jouaient d'une façon amoureuse et gaie, sans pudeur apprise et sans gêne.

 

Pour finir il céda ; alors, en une seconde, elle dénoua son dernier jupon, qui glissa le long de ses jambes, tomba autour de ses pieds et s'aplatit en rond par terre. Elle l'y laissa, l'enjamba, nue sous la chemise flottante et elle se glissa dans le lit, dont les ressorts chantèrent sous son poids.

 

Aussitôt il arriva, déchaussé lui-même, en pantalon, et il se courbait vers sa femme, cherchant ses lèvres qu'elle cachait dans l'oreiller, quand un coup de feu retentit au loin, dans la direction du bois des Râpées, lui sembla-t-il.

 

Il se redressa inquiet, le cœur crispé, et, courant à la fenêtre, il décrocha l'auvent.

 

La pleine lune baignait la cour d'une lumière jaune. L'ombre des pommiers faisait des taches sombres à leur pied ; et, au loin, la campagne, couverte de moissons mûres, luisait.

 

Comme Jean s'était penché au dehors, épiant toutes les rumeurs de la nuit, deux bras nus vinrent se nouer sous son cou, et sa femme le tirant en arrière, murmura : « Laisse donc, qu'est-ce ça fait, viens-t'en ». Il se retourna, la saisit, l'étreignit, la palpant sous la toile légère ; et, l'enlevant dans ses bras robustes, il l'emporta vers leur couche.

 

Au moment où il la posait sur le lit, qui plia sous le poids, une nouvelle détonation, plus proche celle-là, retentit.

 

Alors Jean, secoué d'une colère tumultueuse, jura : « Nom de D... ! ils croient que je ne sortirai pas à cause de toi ?... Attends, attends ! ». Il se chaussa, décrocha son fusil toujours pendu à portée de sa main, et, comme sa femme se traînait à ses genoux et le suppliait, éperdue, il se dégagea vivement, courut à la fenêtre et sauta dans la cour.

 

Elle attendit une heure, deux heures, jusqu'au jour. Son mari ne rentra pas. Alors elle perdit la tête, appela, raconta la fureur de Jean et sa course après les braconniers.

 

Aussitôt les valets, les charretiers, les gars partirent à la recherche du maître.

 

On le retrouva à deux lieues de la ferme, ficelé des pieds à la tête, à moitié mort de fureur, son fusil tordu, sa culotte à l'envers, avec trois lièvres trépassés autour du cou et une pancarte sur la poitrine :

 

« Qui va à la chasse, perd sa place ».

 

Et, plus tard, quand il racontait cette nuit d'épousailles, il ajoutait : « Oh ! pour une farce ! c'était une bonne farce. Ils m'ont pris dans un collet comme un lapin, les salauds, et ils m'ont caché la tête dans un sac. Mais si je les tâte un jour, gare à eux ! »

 

Et voilà comment on s'amuse, les jours de noce, au pays normand.

 

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A Normandy joke

 

It was a wedding procession that was coming along the road between the tall trees that bounded the farms and cast their shadow on the road. At the head were the bride and groom, then the family, then the invited guests, and last of all the poor of the neighborhood. The village urchins who hovered about the narrow road like flies ran in and out of the ranks or climbed up the trees to see it better.

 

The bridegroom was a good-looking young fellow, Jean Patu, the richest farmer in the neighborhood, but he was above all things, an ardent sportsman who seemed to take leave of his senses in order to satisfy that passion, and who spent large sums on his dogs, his keepers, his ferrets and his guns. The bride, Rosalie Roussel, had been courted by all the likely young fellows in the district, for they all thought her handsome and they knew that she would have a good dowry. But she had chosen Patu; partly, perhaps, because she liked him better than she did the others, but still more, like a careful Normandy girl, because he had more crown pieces.

 

As they entered the white gateway of the husband's farm, forty shots resounded without their seeing those who fired, as they were hidden in the ditches. The noise seemed to please the men, who were slouching along heavily in their best clothes, and Patu left his wife, and running up to a farm servant whom he perceived behind a tree, took his gun and fired a shot himself, as frisky as a young colt. Then they went on, beneath the apple trees which were heavy with fruit, through the high grass and through the midst of the calves, who looked at them with their great eyes, got up slowly and remained standing, with their muzzles turned toward the wedding party.

 

The men became serious when they came within measurable distance of the wedding dinner. Some of them, the rich ones, had on tall, shining silk hats, which seemed altogether out of place there; others had old head-coverings with a long nap, which might have been taken for moleskin, while the humblest among them wore caps. All the women had on shawls, which they wore loosely on their back, holding the tips ceremoniously under their arms. They were red, parti-colored, flaming shawls, and their brightness seemed to astonish the black fowls on the dung-heap, the ducks on the side of the pond and the pigeons on the thatched roofs.

 

The extensive farm buildings seemed to be waiting there at the end of that archway of apple trees, and a sort of vapor came out of open door and windows and an almost overpowering odor of eatables was exhaled from the vast building, from all its openings and from its very walls. The string of guests extended through the yard; but when the foremost of them reached the house, they broke the chain and dispersed, while those behind were still coming in at the open gate. The ditches were now lined with urchins and curious poor people, and the firing did not cease, but came from every side at once, and a cloud of smoke and that odor which has the same intoxicating effect as absinthe, blended with the atmosphere. The women were shaking their dresses outside the door, to get rid of the dust, were undoing their cap-strings and pulling their shawls over their arms, and then they went into the house to lay them aside altogether for the time. The table was laid in the great kitchen that would hold a hundred persons; they sat down to dinner at two o'clock; and at eight o'clock they were still eating, and the men, in their shirt-sleeves, with their waistcoats unbuttoned and with red faces, were swallowing down the food and drink as if they had been whirlpools. The cider sparkled merrily, clear and golden in the large glasses, by the side of the dark, blood-colored wine, and between every dish they made a "hole," the Normandy hole, with a glass of brandy which inflamed the body and put foolish notions into the head. Low jokes were exchanged across the table until the whole arsenal of peasant wit was exhausted. For the last hundred years the same broad stories had served for similar occasions, and, although every one knew them, they still hit the mark and made both rows of guests roar with laughter.

 

At one end of the table four young fellows, who were neighbors, were preparing some practical jokes for the newly married couple, and they seemed to have got hold of a good one by the way they whispered and laughed, and suddenly one of them, profiting by a moment of silence, exclaimed: "The poachers will have a good time to-night, with this moon! I say, Jean, you will not be looking at the moon, will you?" The bridegroom turned to him quickly and replied: "Only let them come, that's all!" But the other young fellow began to laugh, and said: "I do not think you will pay much attention to them!"

 

The whole table was convulsed with laughter, so that the glasses shook, but the bridegroom became furious at the thought that anybody would profit by his wedding to come and poach on his land, and repeated: "I only say-just let them come!"

 

Then there was a flood of talk with a double meaning which made the bride blush somewhat, although she was trembling with expectation; and when they had emptied the kegs of brandy they all went to bed. The young couple went into their own room, which was on the ground floor, as most rooms in farmhouses are. As it was very warm, they opened the window and closed the shutters. A small lamp in bad taste, a present from the bride's father, was burning on the chest of drawers, and the bed stood ready to receive the young people.

 

The young woman had already taken off her wreath and her dress, and she was in her petticoat, unlacing her boots, while Jean was finishing his cigar and looking at her out of the corners of his eyes. Suddenly, with a brusque movement, like a man who is about to set to work, he took off his coat. She had already taken off her boots, and was now pulling off her stockings, and then she said to him: "Go and hide yourself behind the curtains while I get into bed."

 

He seemed as if he were about to refuse; but at last he did as she asked him, and in a moment she unfastened her petticoat, which slipped down, fell at her feet and lay on the ground. She left it there, stepped over it in her loose chemise and slipped into the bed, whose springs creaked beneath her weight. He immediately went up to the bed, and, stooping over his wife, he sought her lips, which she hid beneath the pillow, when a shot was heard in the distance, in the direction of the forest of Rapées, as he thought.

 

He raised himself anxiously, with his heart beating, and running to the window, he opened the shutters. The full moon flooded the yard with yellow light, and the reflection of the apple trees made black shadows at their feet, while in the distance the fields gleamed, covered with the ripe corn. But as he was leaning out, listening to every sound in the still night, two bare arms were put round his neck and his wife whispered, trying to pull him back: "Do leave them alone; it has nothing to do with you. Come to bed."

 

He turned round, put his arms round her, and drew her toward him, but just as he was laying her on the 'bed, which yielded beneath her weight, they heard another report, considerably nearer this time, and Jean, giving way to his tumultuous rage, swore aloud: "Damn it! They will think I do not go out and see what it is because of you! Wait, wait a few minutes!" He put on his shoes again, took down his gun, which was always hanging within reach against the wall, and, as his wife threw herself on her knees in her terror, imploring him not to go, he hastily freed himself, ran to the window and jumped into the yard.

 

She waited one hour, two hours, until daybreak, but her husband did not return. Then she lost her head, aroused the house, related how angry Jean was, and said that he had gone after the poachers, and immediately all the male farm-servants, even the boys, went in search of their master. They found him two leagues from the farm, tied hand and foot, half dead with rage, his gun broken, his trousers turned inside out, and with three dead hares hanging round his neck, and a placard on his chest with these words: "Who goes on the chase loses his place."

 

In later years, when he used to tell this story of his wedding night, he usually added: "Ah! as far as a joke went it was a good joke. They caught me in a snare, as if I had been a rabbit, the dirty brutes, and they shoved my head into a bag. But if I can only catch them some day they had better look out for themselves!"

 

That is how they amuse themselves in Normandy on a wedding day.

 

 

 

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Merci Jean-Marc !

D’autres voyages encore – avec des chiffres –, .

 

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